Il ne s’agit pas de toi!

 

 

Petit mot aux exceptions qui pensent qu’ils sont la règle.

Quand quelqu’un dénonce une oppression, une injustice qui peut ou ne pas être systémique et que le plaidoyer tenu sert à faire prendre conscience de la situation aux oppresseurs, tu ne peux pas venir sur ton destrier flamboyant te poser comme exemple de réussite malgré cette oppression.

Ce texte s’adresse aux frères et sœurs qui pensent agir au mieux en balançant des phrases toutes faites du style : « il faut élever le débat », « arrêtons de trop de nous apitoyer sur nous-mêmes », « prenons de la distance avec tout ça » , « c’est parce que nous sommes focalisés sur les aspects négatifs que nous n’avançons pas ». Au fond ils n’ont fait qu’intégrer le discours raciste et paternaliste qui nous est rabâché de façon plus ou moins subtile : le noir est paresseux, il ne peut s’aider lui-même.

Débiter ce genre de phrases à longueur de temps fait passer ceux qui se battent pour des enfants qui crient au loup. Or nous savons tous ce qu’il en est. Notre couleur ne nous quitte jamais. Au cas où on s’oublierait, une piqûre de rappel jaillira de ton poste télé ou au détour d’une rue.  Rien que dans le monde du travail (quand tu as la chance d’en avoir un), nous sommes confrontés au racisme « ordinaire », ces petites remarques ambiguës accompagnées d’un « je rigole » qui ne te font pas rire mais te mettent dans l’embarras .

Arrête de faire passer tes pairs pour des illuminés. Peut être qu’en pointant du doigt et en luttant contre l’injustice, nous mettons en équilibre précaire la réalité alternative de privilégié que tu t’es créée. Avancer avec des œillères est accommodant je dois l’avouer, cependant j’ai choisi de voir la réalité de mon existence, intrinsèquement liée à ma couleur de peau dans ce pays, en face. Tu peux critiquer cette tendance à tout ramener à la couleur, à la lutte, etc… mais tu ne peux pas complètement annihiler l’existence du problème sous prétexte que tu as horreur de passer pour un pleurnichard. Parce qu’en fait, il ne s’agit pas de toi.

En venant te poser ouvertement en contradicteur, surtout en présence de l’oppresseur dessert la cause générale. J’insiste, ce qui importe est l’intérêt général. Avant que tu te lances dans un discours accusateur sur nous,  faibles qui nous plaignons et justifions la médiocrité de notre existence par un système oppressif, je te demande de jeter un œil autour de toi pour voir que les personnes dans ta situation sont moins nombreuses que celles qui peinent. Le privilège qui t’aveugle en vient parfois à te priver de compassion.

Parler de ton ascension sociale est une bonne chose mais il y a un temps pour tout. Court-circuiter toute conversation en lien avec la cause noire,  en te posant comme exemple de réussite pour montrer que c’est possible d’y arriver malgré les embûches est totalement hors de propos. En plus soyons sérieux, tu fais passer les autres pour des incapables dépourvus de volonté de s’en sortir, tout en te grandissant. Je me répète c’est hors de propos, voire même indécent.

Nous ne pouvons pas continuer ainsi, à nous battre contre des personnes qui sont dans nos rangs. Faire passer ceux qui luttent contre les idées reçues pour des illuminés pour des intérêts purement individuels est d’une bêtise sans nom. C’est donner le bâton pour se faire battre.
Dorénavant cher frère ou sœur lorsque des gens discutent de choses importantes ne ramène pas ta grosse tête pour te vanter parce qu’en réalité il ne s’agit pas de toi, il s’agit de quelque chose de plus grand. Il ne s’agit pas de ta personnalité ni de ton ascension sociale, ni de ta motivation à te réaliser. Et puis quelle hypocrisie que de nier toutes les portes que tu as trouvées closes le long de ladite ascension!

 

Ally Kimia

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